Bruit de bottes derrière la frontière
j’entends que ça vitupère
bruit de bottes derrière la frontière
ils ont éteint les Lumières
Une femme aux cheveux blonds
leur a foutu les jetons
une femme aux cheveux teints
leur a promis de grands matins
elle a dit fierté et fermeté
ils se sont redressés
elle a dit c’est la faute de l’étranger
ils ont approuvé
elle a parlé de tout contrôler
ils étaient transportés
Ils ont oublié d’où ils venaient
descendant de Polonais
fuyant les plaines enneigées
petit-fils d’Italien parti sans rien
paysan flamand du bâtiment
Harki banni de sa Kabylie
Ils ont oublié les photos dans le tiroir
celles qui racontent leur mémoire.
La mine a fermé, les temps ont changé
et les cœurs se sont asséchés.
Bruit de bottes derrière la frontière
j’entends que ça vitupère
bruit de bottes derrière la frontière
ils ont éteint les Lumières
Les voilà prêts à accepter
des libertés au rabais
pour rabattre quelques caquets
qu’importent les bibliothèques expurgées
les artistes nationalisés
Finie la liberté d’aimer
et les prénoms qui faisaient voyager
il faudra se contenter du calendrier
ça ne sera plus la peine d’apprendre l’anglais
les barrières seront toujours baissées
Bruit de bottes derrière la frontière
j’entends que ça vitupère
bruit de bottes derrière la frontière
j’espère qu’ils vont rallumer les Lumières
(c) Sophie Colpaert – Déc. 2015